Elle a 76 ans, mais on lui donnerait 20 ans de moins. Elle a un corps d’adolescente et un rire de gamine. John Lennon la surnommait d’ailleurs la martienne. « C’est parce que j’ai une grosse tête et un petit corps, » dit-elle en riant.
C’est probablement ce qui frappe le plus quand on la rencontre. Ça et sa voix à peine perceptible. Malgré près de 60 ans passés aux États-Unis, son accent japonais est très prononcé.
À 76 ans, c’est aussi une femme en parfait contrôle de son image. Les étapes pour avoir une entrevue avec elle sont dignes d’un roman de Kafka. Son assistante veut voir les questions à l’avance et Yoko veut choisir les photos à publier.
Un maquilleur sur place nous informe des meilleurs angles pour photographier Yoko, pendant que cette dernière enfile son uniforme : pantalon noir, veste matelassée, casquette de côté, lunettes fumées et écusson Imagine.
Bref, un long préambule compliqué et intimidant pour finalement rencontrer une femme aimable et facile d’approche. Loin de la réputation de tête froide qui la précède. Elle est la définition incarnée du mot zen.
C’est aussi une femme en phase avec son époque. Combien de grands-mères sont sur Facebook et Twitter ? « J’ai toujours été à l’avant-garde, ils viennent juste de me rattraper, c’est tout », dit-elle en riant.
Son visage s’illumine quand elle parle de John Lennon. Ils se sont rencontrés en 1966, à Londres, dans une galerie d’art. Elle ne savait pas qui il était.
« Je l’avais trouvé vraiment élégant, mais arrogant parce qu’il avait croqué dans une pomme qui faisait partie de mon oeuvre ».
Yoko et John viennent de deux univers complètement opposés. Lui d’un milieu modeste de Liverpool, elle d’une famille d’aristocrates japonais.
Qu’est-ce qui les a unis ? « On était tous les deux sensibles, timides et créatifs, on s’est entendus tout de suite », dit-elle.
Vingt-huit ans après l’assassinat de son mari, elle sent encore sa présence. « Il est toujours avec moi ; je pense que c’est une des raisons pour lesquelles je peux être forte, je sens une énergie très puissante venant de lui. Parfois je suis déprimée, mais les mauvaises expériences sont aussi un cadeau, et, comme disait John, Take a sad song and make it better ».
Des événements marquants
* Yoko Ono et John Lennon se marient le 20 mars 1969, au consulat britannique de Gibraltar. Il s’agissait du troisième mariage pour Yoko et du deuxième pour John.
* Ils s’envolent vers Amsterdam pour célébrer leur lune de miel qui se transforme en bed-in pour protester contre la guerre du Vietnam, à l’hôtel Hilton, du 25 mars au 31 mars. Les médias sont conviés.
* Le second bed-in doit avoir lieu à New York, mais John Lennon y est interdit de séjour, à cause d’une condamnation pour possession de cannabis, en 1968.
John Lennon et Yoko Ono. * Ils arrivent donc au Sheraton Oceanus, aux Bahamas, le 24 mai. Insatisfaite des lieux après une nuit, Yoko suggère de mettre le cap sur Montréal.
* Ils posent leurs valises à l’hôtel Reine-Élizabeth, à minuit, le 26 mai. Le gouvernement leur autorise un séjour de 10 jours.
* Du 26 mai au 2 juin, ils accueilleront des dizaines de journalistes dans la suite 1742 et donneront jusqu’à une soixantaine d’entrevues. La chambre est remplie d’oeillets roses et blancs, de tourne-disques et de téléphones.
* De 20h le samedi 30 mai à 3h du matin, John Lennon enregistre Give Peace a Chance avec une chorale. La chanson deviendra un hymne de paix universel.
* Le 15 décembre, John Lennon et Yoko Ono lancent une campagne publicitaire internationale en faveur de la paix. Des panneaux publicitaires géants affichent « LA GUERRE EST FINIE. Si vous le voulez. Joyeux Noël de la part de John et Yoko ».
* 16 décembre, ils se rendent à Toronto et rencontrent le premier ministre canadien de l’époque, Pierre Elliott Trudeau.
* Chaque année depuis 1980, deux douzaines de roses rouges et blanches sont déposées anonymement devant la porte de la suite, le 8 décembre, date de la mort de John
Source : Yellow Sub